La police mise en cause dans l’affaire Geneviève Legay, militante de 73 ans blessée à Nice
Un rapport détaille le refus d’un escadron de gendarmes de participer à la charge contre des manifestants, le 23 mars, considérant l’action « disproportionnée ».
L’accusation vient cette fois-ci des forces de l’ordre elle-même. Un rapport de la gendarmerie, mettant en cause la police, attesterait de la violence des opérations de maintien de l’ordre, le 23 mars, à Nice, lors desquelles une militante de 73 ans a été gravement blessée.
Selon une information de Mediapart, confirmée par Le Monde, un escadron de gendarmes a refusé de participer à la charge à l’origine de la grave blessure à la tête de Geneviève Legay, malgré les ordres donnés par le commissaire Rabah Souchi. Les militaires estimaient que cette action était excessive au vu de la situation. Le document, un compte rendu d’un commandant d’escadron donné à son supérieur hiérarchique deux jours après les faits, fait état d’« ordres reçus disproportionnés face à la menace (foule calme) ».
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Ce rapport vient confirmer les nombreux témoignages recueillis sur place par Le Monde. Plusieurs photographes présents le 23 mars et habitués aux manifestations des « gilets jaunes » attestent que la charge policière a été ce jour-là d’une violence « totalement disproportionnée ». « L’ambiance était très tranquille » et le groupe était « composé essentiellement de femmes et de personnes âgées, sans casse, sans projectiles », explique l’un d’entre eux, avant d’ajouter : « La force de la réponse était presque criminelle. »
« Il nous a chuchoté : “barrez-vous !” »
Un récit qu’appuient des « street medics » interpellés sur les lieux de l’incident, place Garibaldi. Ces militants, qui s’occupent des blessés au long des cortèges, évoquent également le malaise de certains membres des forces de l’ordre face aux consignes de leur hiérarchie.
Alexander Samuel, un professeur de mathématiques et doctorant en biologie, très impliqué dans la lutte contre les violences policières, avait décidé ce jour-là de suivre un groupe de ces soigneurs. « Les street medics ont été appelés par un gendarme un peu paniqué après la chute de Mme Legay, il leur demandait d’intervenir », raconte-t-il. Son témoignage est corroboré par plusieurs de ces militants qui arborent des croix rouges.
Alexander Samuel explique comment un autre gendarme aurait essayé de faciliter la fuite des personnes présentes avant l’arrivée des renforts. « En attendant que les mecs de la BAC [brigade anticriminalité] arrivent, il a tenté de nous aider et nous a chuchoté : “barrez-vous !”, mais personne n’a compris les ordres contradictoires. Nous avons tous été embarqués. »
Les gendarmes ne sont pas les seuls à douter des méthodes employées. Dans la fourgonnette de la BAC, le militant interpellé laisse son téléphone allumé et filme la scène depuis sa poche. Sur ces enregistrements, on entend distinctement une fonctionnaire de police lancer, sur un ton navré : « Je ne comprends pas pourquoi je vous embarque, franchement. Même eux [ses collègues de la BAC, qui procédaient encore à des interpellations] ne comprennent pas. »
Demande de dépaysement
Deux jours après les faits, le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre avait assuré que la chute de la septuagénaire n’avait pas été provoquée par un policier. Il avait ensuite changé de version et reconnu, le 29 mars, que « c’est bien le geste d’un policier qui est à l’origine de la chute de Mme Legay ». Le procureur avait, par ailleurs, chargé des investigations sur les causes des blessures de la manifestante la compagne de M. Souchi elle-même, également commissaire, alors que son conjoint était chargé des opérations le jour de la manifestation.
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Le document révélé par Mediapart jette encore plus le doute sur la conduite de l’enquête. Le défenseur de Geneviève Legay, Me Arié Alimi, n’avait pour sa part jamais entendu parler de ce rapport, qui évoque pourtant un point central du dossier, à savoir le bien-fondé ou non de la charge policière. « Soit le procureur n’avait pas connaissance de ce rapport et alors c’est une faute professionnelle, soit il en avait connaissance mais n’a rien dit et dans ce cas c’est une infraction pénale », estime l’avocat.
Sa demande de dépaysement de l’instruction, appuyée par le parquet général d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), prend avec ce nouvel élément un peu plus d’épaisseur, dans une affaire où les erreurs se cumulent depuis le premier jour.
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