A Vienne, les "gilets jaunes" ont défilé avec un portrait du président de la République la tête à l'envers, samedi 21 septembre. Un mode d'action rendu célèbre par les "décrocheurs de portrait d'Emmanuel Macron" qui les subtilisent dans les mairies, notamment en Haute-Savoie, pour alerter sur l'urgence climatique. Mais cette fois dans le Nord-Isère, les manifestants n'ont pas eu besoin d'aller décrocher le portrait eux-mêmes... puisque c'est le maire qui le leur a "prêté".
"C'est une attaque aux symboles de la République", dénonce Florence David, candidate La République en marche (LREM) à Vienne pour les élections municipales de 2020, pointant une action "grave pour un élu". La candidate a quitté la manifestation en voyant le portrait d'Emmanuel Macron brandi par les "gilets jaunes" en tête de cortège, agacée par la "récupération politique de la marche pour le climat".
En guise de réponse, le maire (LR) de Vienne Thierry Kovacs s'est exprimé dans une longue publication Facebook où il répond à des propos "démesurés par rapport au fait dont il est question". L'édile n'a fait, dit-il, qu'accepter la demande d'associations militant pour la protection de l'environnement et de "gilets jaunes" qui lui avaient demandé ce portrait pour dénoncer les poursuites entamées contre les "décrocheurs" et "le non-respect des engagements de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique".
Et ce prêt n'était pas sans condition : "pas de geste déplacé, obscène contre le chef de l’Etat et pas de dégradation", avait demandé Thierry Kovacs, ce qui a été respecté, du moins à sa connaissance. Mais pour sa rivale à la mairie de Vienne, tolérer de telles actions revient à "s'habituer à cracher sur les symboles de la République", dit-elle, dénonçant sa "récupération électorale".
"Celui qui fait le plus de mal à la République, ce n'est pas moi en prêtant un portrait du président, répond l'actuel maire. C'est plutôt Richard Ferrand qui refuse de démissionner de son poste de président de l'Assemblée nationale malgré sa mise en examen."
L'action a fait bondir à tous les étages chez LREM. La députée de l'Isère Caroline Abadie déclare dans un tweet accusateur : "Ses intentions sont limpides : il fait de bas calculs électoralistes sur le dos du climat et abîme les institutions de la Ve République".
Mais Thierry Kovacs reste sur ses positions, affirmant qu'il s'agit de "concilier une demande légitime d’expressions d’une partie de la population et la nécessité de préserver la tranquillité publique dans notre ville", vantant un bilan "sans heurts ni violence" à Vienne lorsque les manifestations de "gilets jaunes" battaient leur plein.
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les deux militants écologistes n’ont écopé d’aucune condamnation.
Le 17 sept 2019 Un juge lyonnais de 1ère instance a estimé que l’urgence climatique invoquée par les prévenus était un « motif légitime » au décrochage du portrait d’Emmanuel Macron.Il aura fallu moins de 24 heures au parquet pour faire appel de cette décision. Ce lundi, le juge Marc-Emmanuel Gounot est peut-être entré dans l’Histoire judiciaire française en décidant de relaxer deux prévenus poursuivis pour « vol en réunion ». Jugés pour avoir décroché le portrait du président de la République en février dernier à la mairie du 2e arrondissement de Lyon, les deux militants écologistes n’ont écopé d’aucune condamnation.
Au-delà du seul jugement, les motivations invoquées par le juge dans sa décision sont inédites. S’il reconnaît que « l’infraction de vol est matérialisée », il a estimé que face à l’inaction climatique de l’Etat pointée par les prévenus et démontrée par des éléments scientifiques, les citoyens se devaient d'« inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique ». Un moyen de juger légitime le décrochage des portraits d’Emmanuel Macron, prôné par plusieurs collectifs écologistes.
Le magistrat reconnaît effectivement que l’infraction de vol est caractérisée. Mais l’infraction n’est pas le seul élément pris en compte par le juge. Au contraire. En préambule de son jugement, il explique que les prévenus et leurs avocats ont plaidé la relaxe « au nom d’un état de nécessité légitimant un acte délictueux proportionné à l’éloignement d’un danger grave et imminent ». « L’état de nécessité », intégré au Code pénal depuis le XIXe siècle, permet de juger quelqu’un pénalement « non responsable d’une infraction si elle est commise face à un danger actuel ou imminent et si c’est un acte nécessaire à la sauvegarde d’une personne ou d’un bien ».
La logique avancée par les militants est simple : le péril représenté par le changement climatique est tel et l’inaction de l’Etat si forte qu’ils nécessitent des actions de désobéissance civile, à savoir ici le décrochage du portrait d’Emmanuel Macron. Une logique à laquelle le juge lyonnais a visiblement adhéré puisqu’il écrit dans sa décision :
« Face au défaut de respect par l’État d’objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital, le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique ; des messages à l’adresse du gouvernement peuvent ainsi être diffusés au moyen de rassemblements dont les organisateurs et les autorités s’efforcent de limiter le trouble à l’ordre public »
Et le magistrat va plus loin. Dans son jugement, il estime que le décrochage des portraits d’Emmanuel Macron résulte aussi d’un « dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple ».
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