Cette distinction, censée récompenser un comportement « honorable », semble avoir été dévoyée par le ministre de l’intérieur.
Selon le site d’investigation Mediapart, Christophe Gaz-ta-Mère a remis le 16 juin 2019 des médailles à des fonctionnaires de police impliqués dans des affaires de violences policières commises principalement lors des différentes mobilisations des « gilets jaunes ».
Ces médailles de la sécurité intérieure, habituellement remises les 1er janvier et 14 juillet, ont, cette fois, été décernées de façon exceptionnelle dans le cadre de la « promotion exceptionnelle médaille de la sécurité intérieure “gilets jaunes” ».
Dans un communiqué, le ministère de l’intérieur confirme que des médailles ont bien été remises à plus de 9 000 fonctionnaires de police intervenant dans le cadre des mobilisations des « gilets jaunes ».
La place Beauvau précise que ces distinctions peuvent être retirées « en cas de condamnation définitive pour un crime ou un délit, ou de sanction disciplinaire du récipiendaire ».
Cette distinction, créée en 2012, récompense ainsi « les services particulièrement honorables », « un engagement exceptionnel », ou encore « des actions revêtant un éclat particulier », rapporte un décret cité par Mediapart. En mai, les pompiers actifs lors de l’incendie de Notre-Dame avaient déjà été récompensés lors d’une « promotion exceptionnelle ».
Le texte précise que cette récompense, qui comporte trois échelons (bronze, argent et or), intervient dans les domaines suivants :
« La défense des institutions et des intérêts nationaux, le respect des lois, le maintien de la paix et de l’ordre public, la protection des personnes et des biens et la prévention, la médiation, la lutte contre l’exclusion, l’aide aux victimes. »
A cet égard, les gendarmes intervenus lors du crash de la Germanwings, qui a causé la mort de 149 passagers, dans les Alpes, en mars 2015, ont été récompensés.
Critères élargis
Cette fois, le parcours de certains fonctionnaires distingués dans ce palmarès « gilets jaunes », comptant 9 000 médaillés, est bien moins reluisant.On trouve notamment Grégoire Chassaing, commissaire divisionnaire à Nantes, chargé des opérations de sécurité le 21 juin, lors de la Fête de la musique. Unité SGP-Police assure qu’il a donné l’ordre de disperser la foule à grand renfort de gaz lacrymogènes, entraînant la chute de quatorze personnes dans la Loire, dont Steve Maia Caniço, toujours porté disparu.
Egalement décoré, le capitaine Bruno Félix a été auditionné dans le cadre de l’enquête sur le décès de Zineb Redouane, atteinte au visage par une grenade lacrymogène à la fenêtre de son appartement lors d’une manifestation de « gilets jaunes » à Marseille, le 1er décembre.
Responsable des opérations de maintien de l’ordre, lors desquelles Geneviève Legay, une militante de 73 ans, a été gravement blessée à Nice, le commissaire Rabah Souchi a lui aussi reçu les félicitations de Christophe Castaner. Tout comme sa compagne, également commissaire, présente sur place le jour des opérations, et chargée des investigations sur les causes des blessures de la manifestante pacifiste.
Autre médaille : un commandant divisionnaire, membre de la brigade de policiers venue déloger à coups de matraques et à coups de pieds des manifestants retranchés dans un Burger King, lors de l’acte III des « gilets jaunes ». « Là, on est sur de la bavure policière », avait ainsi reconnu le colonel Di Meo, interrogé sur BFM-TV.
S’agissant du processus de recrutement de ces fonctionnaires récompensés d’une médaille de bronze, Mediapart fait savoir que plusieurs appels à candidature ont été passés, notamment par la direction des ressources humaines des CRS, recherchant en premier lieu des « fonctionnaires blessés dans le cadre du mouvement des “gilets jaunes” », et ayant fait l’objet d’une incapacité totale de travail (ITT). Habituellement, cette distinction récompense des policiers « méritants », précise le décret.
Faute d’obtenir suffisamment de candidats, les critères ont été élargis, à plusieurs reprises, pour finalement arriver à une sélection très élargie, incluant les « non méritants ».
Seuls sont exclus les policiers ayant reçu un blâme ou étant passés en conseil de discipline. Pas ceux visés par des enquêtes de l’IGPN ou des procédures judiciaires. Sur ce point, le ministère de l’intérieur a précisé dans son communiqué : « Les enquêtes disciplinaires ou judiciaires s’effectuent de manière indépendante, à charge et à décharge, et il n’appartient pas à des tiers de désigner nommément des personnels pour des faits qui ne sont pas définitivement établis. »
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